L’amour rend sourd - Les psychos tournent toujours

, par LaPeg M. 

Pour que nos chroniques épisodiques ne se résument pas qu’à des comptes-rendus des concerts ou de disques de The Ex, Fugazi et Ani di Franco, je vais essayer d’agrémenter ce chapitre de nos aventures d’ autres références émérites, à savoir Gil Scott Heron, The Dead Kings, Washington Dead Cats et un mini mais maxi-zine Rad Party

Comme les autres fois cette chronique est parsemée de vieilleries. De vraies et de plus récentes.

Commençons chronologiquement avec Gil Scot-Heron. Pour ceux qui ne sont pas trop familier de la soul revendicative du vieux monsieur : Small Tallk at 125th and Lenox paraît en 1970. Gil Scott Heron a 21 ans. Ce jeune et brillant étudiant new yorkais, vient de prendre deux années sabbatiques pour écrire un roman, Le Vautour (publié chez l’Olivier à la fin des années 90). Il se destine à une vie d’écriture et de poésie, mais il est aussi musicien, pianiste et compositeur. L’écriture prend du temps, la musique le titille et c’est finalement là qu’il posera ses marques. Influencé à l’origine par des gens comme Otis Redding ou Jose Feliciano, c’est aussi un grand amateur du poète Langston Hugues. Proche des Black Panther ou de Malcolm X, il parle avec émotions des décès des frères Jackson, sa poésie est revendicative. Small Talk est son premier album, celui de scansions dépouillées sur fond de percussions répétitives. Ses textes phares comme "The revolution will not be televised" balisent d’entrée son univers d’expression. Il est considéré avec les Last poets comme un précurseur du rap et du slam. Son influence est énorme, Michaël Franti n’est finalement que son fils spirituel. Cet album est un couperet, sec et tranchant, hyper dépouillé. Contrairement à d’autres albums comme Free Will ou Spirits , pas d’orchestrations léchées, de basses rondes et de soul suave. Du pur Spoken word dont les rimes coulent sur les rythmiques appuyées des congas.

Le dernier Ani Di Franco quand à lui délaisse la sécheresse pour justement rejoindre les terrains suaves des autres Gil Scott Heron. Le morceau qui ouvre Revelling, Reckoning est un folk funk lascif avec des choeurs et tout et tout, genre Spearhead. Production un peu trop léchée, on s’ennuie carréement mais par moment , la dame retrouve de sa superbe. Bon, elle a appris des accords de jazz, et s’est acheté des musiciens (dont Macéo Parker) qui mettent une bonne couche de guimauve sur ce disque , mais des morceaux comme What when... et Marrow passent quand même. Garden of simple est aussi un folk poignant ceci dit et le morceau parlé Tamburitza lingua où Di Franco prend une voix rauque murmurée fait un peu pensez à des trucs récents de Lydia Lunch . De la musique de dimanches après midi glacés. Les concerts avec le même groupe sont à fuir à toute jambe, j’ai testé pour vous : c’est l’horreur. "L’amour rend sourd" a été la conclusion collective devant tant de gâchis (cf l’horrible solo de melodica de la clavieriste et copine de Di Franco). Je crois que je pousserais le truc jusqu’à dire que ce concert c’était de la merde en barre. Je crois qu’on peut reprocher à quelqu’un de mal choisir ses musiciens...voilà c’est fait. Pour en revenir au disque peut-être qu’un double c’est un peu trop. Déception donc sur disque comme avec le nouveau Fugazi : "The Argument". Trop court presque trop pop quoi qu’en dise front de l’est. Même si des morceaux comme ... ou ... sont en haut de ma hit-liste.

Par contre j’ai trouvé un vrai bon disque du côté des psychos allemands. De quoi faire peur sachant que le psycho est souvent facho mais bon, j’espère que non (si il est psycho plus Allemand ça fout carrément la trouille). L’album de The dead kings "King by death fool for a lifetime " à part faire référence à je sais plus qui, est un putain de disque de punkabilly comme on en fait plus, rapide et sautillant, joyeux avec des morceaux à chanter, de la contrebasse et tout et tout. Comme si "Rocket from the crypt" n’était pas parti dans le cosmos et comme si Brian "alka" Setzer avait un son actuel. En passant, c’est peu être le genre d’album qu’on pourrait espérer des Washington Dead Cats si jamais ils sortent à nouveau des disques. Parce que les bougres font parfois des concerts comme le 30 novembre au Fahrenheit à Issy les Moulineaux. Pas mal de nouveaux morceaux, une section cuivre complète, des légumes pourris à se prendre dans la gueule, et des nouveaux morceaux moins rapides et plus rock’n’roll. Pas mal, ça éveille des souvenirs (Happy drivers) et l’envie de réécouter les Wampas pour voir si les psychos tournent toujours.

Pour finir je signalerais le mini zine RAD PARTY qui existe semble -t-il depuis des siècles (1991 en fait) mais que je découvre au n° 27 (été 2001) et avec ce "Heartbreak’s loose" . C’est une espèce de journal intime agrémenté de réflexions sur la vie et la politique, avec des chroniques de disques et zines (plein). Il est chouettement bien illustré (voir ci-contre) un peu genre Daniel Clowes et ne coûte que 10 frs pc. Son auteur est nostalgique de G.I. et des Hard’ons, fan de comics et cite Pegboy comme une évidence. Je me demande en plus si il n’y a pas un rapport entre ce gars là qui semble approcher la trentaine et les mythiques compiles k7s "Hometaping is saving money" parce que je trouve que le trait est assez proche(à suivre). Heartbreak... raconte un voyage aux Etats-unis en bagnole. Sa sincérité , notamment quand il raconte son émotion quand il visite la Dischord House à Washington D.C ( et qu’il nourrit les poissons de la grand-mère de Ian Mc Kaye !) remporte mon adhésion malgré les couplets réguliers un peu "bière et punk". C’est frais comme un gardon, c’est Rad Party.

P.-S.

Gil Scott-Heron : A new Black Poet – Small Tallk at 125th and Lenox (Flying Dutchman)
The dead kings : "King by death fool for a lifetime (Crazy love records)
Ani Di Franco : Revelling, Reckoning (Righteous Babe)
Fugazi : "The Argument (Dischord)
Rad Party : Small Budget productions (stephane) B.P.n°7 78110 Le Vesinet Cedex 10 frs pc (et en euros , hein ?)