Un peu de mal à entrer dans ce roman de Barry Gifford. L’intrigue de départ n’est pas hyper alléchante. Une troublante mexicaine persuade l’un de ses clients les plus réguliers - elle travaille dans un bordel en Arizona - de bouger au Texas pour buter un baron de la fesse et se tirer en amoureux au Mexique.
"Le monde est de plus en plus fou et partout les gens m’emmerdent."
Le décor se met lentement en place, ok, on connaît Gifford. C’est le père de Sailor et Lula, de Perdita Durango (Isabella Rosselini à l’écran). Ses filles superbes, à la fois réelles victimes et bourreaux démoniaques, ses phrases courtes et son style particulier. On connaît ses scénarios pour David Lynch et ses personnages cassés. Rien de neuf à l’horizon. Et puis à un moment donné, le livre s’emballe.
Et là, on ne le lâche plus. On est frustré aussi de ne pas pouvoir suivre tous les personnages jusqu’au bout, avec une armée de rebelles mexicains, à la Nouvelle-Orleans, en Floride... Car ils se croisent et se succèdent au fil des pages (fin du roman) et puis, sans qu’on ait le temps de les comprendre, disparaîssent dans le sexe, le sang, la douleur et la fatalité. Une palette de gens perdus et sacrifiés. Des prostitué(e)s. Une jeune fille du bordel descend un de ses clients et conclue en pleurant : "l’amérique m’emmerde". Plus qu’un polar on dirait une suite de nouvelles à la Raymond Carver. Pas le livre du siècle mais quelques tranches de vies bien senties.
Tout le monde a simplement des raisons logiques pour vendre son corps ou en acheter, et femmes et hommes tombent sur fond de fatalité biblique, expiant des pêchés qu’ils n’ont pas commis en guise de chemin de vie.