Oh yeah… L’élégance chevillée au galbe de ses cheveux gominés, Rafael est un battant. Qui ne supporte pas la médiocrité de ses congénères, jaugée à l’aune de leurs frusques pathétiques. Pour ce bellâtre chef de rayon, un seul mot d’ordre doit guider les pas de tout un chacun : agir. Sans jamais penser. Chacun se doit d’avoir un but dans la vie : que ce soit piquer le journal au kiosque le matin ou embrasser la poupée pulpeuse qui traverse dans les clous, peu importe ! Et Rafael, de la race des seigneurs célibataires, a un but. Enorme, gigantesque, magnifique et surréaliste : devenir chef de tout le département de son grand magasin madrilène Yeyo’s. Un bout de paradis qu’il est à deux doigts d’obtenir, n’était la pugnacité de Don Antonio, chef du rayon « hommes ». La bataille est sans merci : à la fin de la journée, l’un ou l’autre remportera le poste si convoité. Leurs armes ? la vente. Leur cible ? les clients. Leur prouesse ? le chiffre de vente. A coups de cravate et de petites culottes. Quand il évolue dans son temple païen servi par une armée de vestales à la plastique extra-terrestre toute droit sortie des pubs pour lingerie féminine des abribus, Rafael domine le monde. Plus dure sera la chute.
Le dernier opus de l’auteur de « 800 balles », Alex de la Iglesia, est un bijou d’humour noir. Décapant, incisif et franchement drôle. Les trognes des personnages rappellent Delicatessen, on y sent la verve d’un Edoardo Mendoza, on y goûte des relents d’Almodovar mais pas que. Le film est émaillé de références à l’univers d’un Tex Avery et la peinture des petites bassesses humaines extrêmement bien calibrée.
Transformer la vie d’un grand magasin en théâtre d’une lutte à mort et critique de la lâcheté masculine comme Alex de la Iglesia le fait, est tout simplement jouissif. D’homme au-dessus de tout, prédateur ringard d’une gent féminine asservie qui fonctionne en mode binaire (sexe et shopping), Rafael se transforme en toutou exploité sexuellement par sa nouvelle partenaire : Lourdes. La vendeuse moche qu’il ignore depuis dix ans ! Manque de bol, elle a assisté au meurtre de Don Antonio. Manque de bol, elle nourrit une passion sans égal pour son chef de rayon. Manque de bol, elle sait exactement comment se lier à Rafael « pour le meilleur et pour le pire »… il ne reste plus au Don Juan d’opérette qu’à prendre des cours pour imaginer son « crime farpait ».