Perfides nationalismes (I/II) : relents islamophobes au Royaume-Uni

, par Nico Melanine

Les dernières sorties plus que douteuses des membres du gouvernement travailliste auront permis de mettre en lumière deux faits intéressants, dont on se doutait plus ou moins quand même. 1) Il ne fait pas bon être musulman ces derniers temps au Royaume-Uni. 2) La droite conservatrice n’a pas le monopole du nationalisme raciste. Explication de propos déplacés.

C’est avec un petit goût d’amertume et de déja vu, revu, entendu et entendu encore que l’on est en droit d’appréhender les récentes déclarations ou manifestations des politiciens et médias britanniques. Depuis quelques temps maintenant, la pression se fait plus forte sur les musulmans et les musulmanes du Royaume-Uni. Principalement le fait du gouvernement, cette pression se fait sans rire au nom de la civilisation et du monde libre, contre l’obscurantisme et la barbarie islamo-fascistes. Comme à propos des caricatures, de l’article publié par Redeker, ou lors des guerres menées par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, Israël et leurs alliés contre l’axe du mal, le genre de rhétorique creuse et hypocrite tournant autour de ces termes a en effet pu être entendu lors des dernières affaires en date au Royaume-Uni, et notamment celle de voile islamique que le gouvernement agite à tout vent. Des procédés qu’on ne peut même pas marquer du sceau de l’originalité tant ils sont courants dans d’autres pays, mais aussi car au sein même du royaume ils semblent s’inscrire dans une certaine tradition de nationalisme raciste.

L’ère du soupçon

Fin septembre, dans son premier discours face à un public musulman en tant que ministre de l’intérieur, John Reid a trouvé intelligent de parler de terrorisme et a pour cela jugé bon de donner des leçons de morale aux parents musulmans en leur demandant d’être vigilants, de surveiller leur progéniture et de repérer chez elle tout signe extérieur de terrorisme fanatique [1]. Derrière le joli petit ton paternaliste de ce discours se cache une volonté de montrer du doigt la communauté musulmane et de la désigner tout entière sinon comme unique tout du moins comme principale responsable et principale cause du terrorisme et de ce qui nous est présenté comme un choc des civilisations.
Il est certes plus facile de faire porter l’accusation sur quelqu’un d’autre que de se poser des questions sur soi, d’essayer de faire face à ses responsabilités. On supposera que toute occupation militaire et tout impérialisme économique ayant lieu dans des pays musulmans sont sans relation avec quelque attentat que ce soit. On supposera que toute relation entre la participation du gouvernement à des guerres illégales et meurtrières se déroulant dans ces mêmes pays et certains actes dits terroristes [2] perpétrés par des musulmans est également purement fortuite.
De là à penser que le musulman est terroriste par nature, par essence, il n’y a qu’un pas à franchir. Rassurons-nous, un gouvernement qui défend le monde libre et la civilisation ne saurait être capable de franchir ce pas, de donner dans l’essentialisme quel qu’il soit, ou d’appliquer un jugement généralisateur à une catégorie de la population, en fonction de ses croyances religieuses.

Avec ces paroles bienveillantes adressées aux parents musulmans à propos de leurs enfants : "Cherchez dès à présent les indices révélateurs et parlez-leur avant que leur haine ne grandisse et que vous ne risquiez de les perdre à jamais [3]", on notera même la compassion toute nouvelle dont semble faire preuve l’état britannique envers la jeune communauté musulmane. Jusqu’à présent on était plus habitués aux grands raids policiers médiatiques mais infructueux, aux annonces d’attentats aériens déjoués mais dont la véracité n’était jamais prouvée, aux détentions arbitraires dans des prisons comme celle de Belmarsh, aux meurtres de sept balles dans la tête de tout ce qui a l’air suspect et qui court, ou en dehors du territoire, au laisser-faire et à la participation active à des bombardements de populations civiles.
Cette période serait-elle donc révolue ?
L’état anglais semble plutôt renforcer la pression, en déléguant les pouvoirs abusifs qu’il s’était déjà octroyé. Il est maintenant demandé à chacun, et spécifiquement aux parents de surveiller, de contrôler ses propres enfants. Ce qui implique en toute logique de voir en chacun d’eux un suspect, un terroriste potentiel. Ne faites pas confiance à vos enfants, soupçonnez-les. Ne faites jamais confiance à un musulman, il est à priori coupable. C’est en quelque sorte une ère du soupçon généralisée que décrète l’état anglais. Tout risque de contribuer à la formation de communautés, réelles ou fantasmées, et de les monter les unes contre les autres est évidemment une vue de l’esprit.

La paille et la poutre

Quelques deux semaines plus tard, le travailliste Jack Straw, ancien ministre de l’intérieur maintenant député et dirigeant de la chambre des communes, juge lui judicieux de s’en prendre aux musulmanes en leur demandant expressément d’enlever leurs voiles [4]. Le sujet avait déja été vaguement soulevé au moment où la loi fut votée en France, mais sans qu’il y ait réel débat sur la question telle qu’elle pourrait se poser en Angleterre. Dans un timing qui semble bien orchestré, le gouvernement anglais repart à l’attaque, Jack Straw en tête, avec le premier ministre Tony Blair comme soutien. C’est cette fois le niqab, ce voile qui recouvre entièrement le visage de certaines femmes musulmanes, ne laissant apparaître que les yeux, qui est visé. Selon Jack Straw, confronté au niqab lors de la visite d’une musulmane dans son cabinet de député, ce voile rend les relations entre les communautés difficiles. Il le considère problématique et le décrit comme "une affirmation tellement visible de séparation et de différence".
Quelques jours plus tard, lors du procès fait à une enseignante voilée à qui on avait demandé d’enlever son voile pour faire cours, ces propos seront repris par le premier ministre - pourtant tenu au secret tant que le jugement n’était pas rendu - qui déclara lui aussi que le voile était une marque de séparation.

Dans les deux cas, on pourra tout d’abord remarquer la contradiction frappante des propos tenus par les deux hommes d’état. On peut difficilement accuser une personne qui est enseignante, et une autre qui se déplace pour rencontrer son député de vouloir faire preuve de séparation. Il semble plutôt que ces personnes sont impliquées dans la vie sociale, et qu’elles entendent bien y jouer un rôle. Mais non, plutôt que de voir là des marques d’intégration, puisque c’est là ce qui semble tant préoccuper les dirigeants de tous bords, ceux-ci y voient des marques de séparation. La superficialité de leur jugement et la superficialité avec laquelle cette question est soulevée ne surprennent hélas plus. On peut néanmoins toujours déplorer que ce sont bien plutôt ce genre d’attaques et de déclarations qui créent des séparations et qui renforcent les communautarismes [5].

Pas à une contradiction près, Jack Straw ira lui aussi jusqu’à verser dans le moralisme, de façon peut-être davantage scandaleuse encore que son confrère John Reid : "Ces gens qui portent le voile devraient penser aux implications en ce qui concerne les relations entre les communautés". Je pense moi que ces gens qui usurpent le pouvoir que certains leurs ont conféré par défaut devraient essayer de seulement commencer à penser.
De quel droit le gouvernement anglais se permet-il de dicter à qui que ce soit sa façon de vivre, son mode vestimentaire ? J’avais un an à l’époque, mais je ne me souviens pas de déclarations gouvernementales demandant aux punks de changer de mode [6] vestimentaire, sous prétexte qu’ils affichaient une marque de séparation. Ceci dit pour prendre un argument idiot que peut-être même un député travailliste pourrait comprendre...

Voilà, en tout cas, un exemple supplémentaire de limitations des libertés et d’intrusion dans la vie privée de la part du gouvernement du pays qui possède la plus grosse proportion de caméras de surveillance au monde [7]. L’Angleterre ou la société panoptique enfin réalisée. Ca peut sembler sans rapport, mais ce genre de projets laisse forcément des traces sur les mentalités. Surveiller et punir, pour reprendre les mots de Foucault. Voilà le credo de la patrie de Bentham. Voir sans être vu. Mais à condition que cela reste le privilège de l’état. Ironiquement en effet, cette possibilité est niée aux femmes musulmanes cachées derrière leur voile. L’état seul observe, et oblige à se dévoiler, à rentrer dans le rang. Surveiller donc, pour mieux gommer les différences. Comme la séparation, Jack Straw a bien également condamné la différence dans son intervention. Oui, on en est là. Messieurs les Anglais, encore un (tout petit) effort si vous voulez être fascistes...

Discriminatoires et racistes en tout cas, les propos de Jack Straw le sont. Ce n’est pas un hasard si ce genre de réprimandes paternalistes est effectué à l’encontre de la communauté musulmane. A quelle autre communauté l’état anglais a-t-il jamais fait des remarques sur ce ton hautain et méprisant ? Et pourtant ce ne sont pas les communautés qui manquent à Londres, qu’elles soient ethniques, religieuses, nationales ou autres. Mais non, ce sont encore des musulmans qu’on montre du doigt et qu’on désigne comme étant une source de problèmes, accentuant ainsi la pression qui existe sur l’ensemble de la communauté et nourrissant un peu plus un sentiment d’islamophobie qui tend à se généraliser.

Point de vue / Image du ’monde musulman’

Ce qui est désolant aussi dans cette histoire, c’est encore une fois la façon qu’ont les politiciens, les intellectuels et les médias d’appréhender la question. On en revient toujours aux mêmes faux-débats, orchestrés et joués par des personnes toutes issues du même milieu social et culturel, monopolisant la parole sur un sujet auquel ils ne connaissent rien et qu’ils attaquent sous un angle réducteur. L’impression de contradiction dialectique qu’ils créent ne suffit cependant ni à cacher leurs préjugés, ni le manque de perspective historique ou critique dont ils font preuve.

Un des problèmes, en effet, est celui du point de vue, de la perspective. C’est d’une position tout à fait extérieure à la situation que les choses sont abordées. On décrète du dehors que le voile pose problème, et dans la foulée on impose une solution simpliste sans chercher à comprendre quoi que ce soit. Les exemples de ce genre de pratiques, qui consiste à imposer de façon autoritaire son point de vue, évidemment supérieur à tout autre, ne manquent pas dans les pays dits développés. Ceux-ci les déclinent à l’infini depuis longtemps déjà. Qu’est-ce que l’ethnologie et l’anthropologie sinon ce schéma de pensée érigé en disciplines universitaires ? Dans un registre encore différent, on peut penser à certaines ONG qui ne sont bonnes qu’à appliquer des solutions toutes faites à des situations particulières existant sur le terrain, avec le résultat qu’on imagine [8].

Plus proche de la question du voile, un exemple de ce genre d’attitude est fourni par Angela Davis, dans un texte où elle raconte un voyage en Egypte effectué en 1985. Lorsqu’elle en vient à parler d’excision et d’oppression sexuelle des femmes, une Egyptienne réagit, de façon claire :
"Les femmes en occident devraient savoir que nous avons une position par rapport au fait qu’elles traitent des sujets et des problèmes qui nous concernent. Nous rejettons leur attitude méprisante. Elle est liée à des mécanismes construits du colonialisme et à leur sentiment de supériorité. Certaines d’entre elles ne le font peut-être pas consciemment, mais ça ne change rien. Elles décident des problèmes que nous avons et de comment nous devrions y remédier sans même posséder les outils utiles à la connaissance de ces problèmes" [9].
Le parallèle avec la question du voile telle qu’elle est abordée aujourd’hui me paraît pertinent. Quelle compréhension de ce que représente le voile pour une musulmane ont ceux qui demandent à ces femmes de l’enlever ? La signification du voile est devenue complexe, multiple. Il est par exemple également devenu un attribut culturel. Chacune le porte selon ses propres raisons, en fonction d’une histoire et d’un contexte particuliers, parfois de façon consciente et choisie, parfois non. Mais toute culture n’a-t-elle pas ses déterminismes ? Le fait est que réduire le voile à un unique aspect, qu’il soit religieux ou autre, c’est refuser d’appréhender la situation dans son ensemble, c’est appliquer ses préjugés, c’est généraliser, c’est usurper la parole de quelqu’un, c’est, sûr de sa supériorité, imposer son point de vue singulier à un ensemble hétéroclite de personnes.

On pourrait poursuivre sur cette idée de point de vue, de perspective historique cette fois, qui semble faire absolument défaut à tous ces hommes politiques. En resituant ces affaires de voile dans un contexte global de colonisation, de décolonisation, de pillage économique passé comme présent, et en considérant l’immigration qui en résulte inéluctablement (et dont les états savent bien profiter tant que ça les arrange), il me semble invraisemblable, en plus de tout, de chercher à dicter et à imposer de façon moraliste et méprisante des codes de conduite à des personnes issues de cette histoire. Je ne parle pas d’excuser le terrorisme, mais simplement de respect des libertés individuelles. Et je constate que tous ces chiens de guerre ne lâcheront rien, pas même quelques centimètres de tissu.
Mais passons sur cette idée. La repentance et la pénitence ont mauvaise presse ces derniers temps, et je ne voudrais pas me voir accusé de tyranniser l’occident.

Usage de la valeur

Ce qui désole encore et toujours, comme lors des débats qui ont eu lieu en France, c’est la pauvreté des arguments employés, et surtout l’hypocrisie avec laquelle ceux-ci sont invoqués. Des membres du gouvernement ont expliqué, non sans un certain effroi, que du fait du voile, il était possible de parler deux fois à la même personne sans s’en rendre compte. Vu la superficialité de leurs propos, on ne s’étonnera pas qu’ils résument toute rencontre avec une personne à son aspect physique. On a ensuite eu droit aux couplets lyriques sur la civilisation, et sur les valeurs, nos valeurs, que ces femmes rejettent de façon flagrante en s’obstinant à porter le voile. Implacable démonstration s’il en est. Mais tout de même, de quelles valeurs parle-t-on ? Ces valeurs qui amènent à envahir et bombarder des pays ? Ces valeurs qui amènent à mentir et passer outre le droit international ? Ces valeurs qui amènent à massacrer des civils, des innocents, des enfants ? Personnellement, je ne blâmerai personne qui cherche à s’en démarquer.

Il se peut que dans certains cas, le port du voile soit motivé par ces raisons, se décide en réaction à toutes ces exactions et ces humiliations commises principalement dans des pays de confession majoritairement musulmane. Ce comportement s’inscrit en effet dans une histoire, un contexte. Comme l’écrivait Pierre Bourdieu en 1960, soulignant la multiplicité des significations du port du voile : "Les renoncements les plus manifestes et aussi les plus spectaculaires sont peut-être ceux qui concernent des traditions investies d’une valeur essentiellement symbolique, telle le port du voile ou de la chéchia. A la fonction traditionnelle du voile était venue en effet s’ajouter, comme en surimpression, une fonction nouvelle, en référence au contexte colonial. Sans pousser très loin l’analyse, on voit en effet que le voile est avant tout une défense de l’intime et une protection contre l’intrusion" [10].
Le gouvernement anglais ferait alors bien mieux de chercher à comprendre - dans tous les sens du terme - ce qui motive le port du voile aujourd’hui, plutôt que de le montrer du doigt et de le réprimander, de chercher à le bannir et le punir. Il en est hélas très loin. Il s’inscrit bien plutôt dans une optique qui consiste à diaboliser ces femmes qui portent le voile, et à travers elles l’ensemble des musulmanes et des musulmans. Malgré ce que peut laisser croire l’engouement médiatique autour de cette question, il est notable en effet que le port du niqab ne concerne qu’une minorité infime des femmes musulmanes. Pourquoi alors s’appesantir lourdement sur le sujet ?

En choisissant d’insister et de montrer du doigt la pratique d’une infime minorité de musulmanes, tout comme en demandant à tous les parents musulmans de surveiller leurs enfants, le gouvernement procède à des généralisations qui aboutissent à la diabolisation de l’ensemble de la communauté musulmane. Reid, Straw, Blair et les autres ne font que véhiculer le stéréotype du musulman fanatique et terroriste. Contrairement à ce qu’ils prétendent dénoncer, ils excluent de fait une partie de la population, impliquant que celle-ci serait incapable de s’intégrer, refuserait de partager certaines valeurs. Ils ne font que créer et renforcer les conditions de séparation et d’exclusion qu’ils prétendent dénoncer.
Tout ceci n’est évidemment pas sans conséquence pratique. De récentes statistiques montrent par exemple que les musulmans en Grande-Bretagne sont deux fois plus touchés par le chômage que des personnes d’autres confessions. Egalement, ils ont cinq fois plus de chances de vivre dans une habitation surpeuplée que des personnes d’une autre confession. On est en droit de douter que les sorties récentes des membre du gouvernement vont arranger quoi que ce soit à cette situation [11].

Il n’y a pas de vert non plus dans le drapeau anglais

Aussi déplorables que ces procédés puissent être, ils ne sont malheureusement pas nouveaux. Il est clair, lorsqu’on y regarde d’un peu plus près, que la pratique du gouvernement actuel s’inscrit dans le prolongement du nationalisme historique tel que pratiqué par Enoch Powell, puis Margaret Thatcher pour ne mentionner que deux de ses plus prominents acteurs. On retrouve en effet dans les propos des membres du gouvernement des tactiques et des rhétoriques, comme celle axée autour de l’exclusion et de la séparation, employées depuis longtemps par le nationalisme raciste anglais.
A propos de formes nouvelles de racisme développées au cours des années 1980, Paul Gilroy expliquait dans There Ain’t No Black in the Union Jack : "Le nouveau racisme s’organise principalement sur des mécanismes d’inclusion et d’exclusion. Il spécifie qui appartiendrait légitimement à la communauté nationale et de façon simultanée avance des raisons pour la ségrégation ou l’exclusion de ceux que ’l’origine, le sentiment ou la citoyenneté’ assignerait ailleurs" [12]. On voit là le rapport qui existe entre ces notions d’exclusion, de race et de nation. En prétendant que le voile est une marque de séparation et de différence, Jack Straw et Tony Blair signifient que les musulmans sont incapables et refusent de s’intégrer dans la communauté nationale. Dans les années 1970, le même argumentaire était employé par Enoch Powell, député conservateur, membre de divers gouvernements Tory et nationaliste convaincu : "La nation a été et est toujours érodée et vidée de l’intérieur par l’implantation de populations non assimilées et non assimilables...des parties étrangères au coeur de l’état" [13].

Ce nationalisme, passé comme présent, rejette clairement tout apport extérieur, et forge une idée de nation autour d’une identité qui serait figée, homogène, sans évolution historique possible. Les termes autrefois employés de "race insulaire" et de "race du bulldog" sont sans équivoque à ce sujet. La communauté nationale telle que définie par Powell et telle qu’elle est impliquée dans les propos des membres du gouvernement actuel est un mythe raciste et essentialiste qui rejette toute différence et toute forme de transformation, d’évolution. Une identité, une nation, une communauté ne sont pourtant pas fixes.
Mais aujourd’hui, une grande partie des musulmans du Royaume-Uni a beau être de citoyenneté britannique, on lui nie encore ce sentiment d’appartenance à la communauté nationale. Ce que la loi même consent à donner à ces musulmans continue à leur être refusé par les acteurs de la vie politique. Comme le montrent ces propos tenus par Enoch Powell à la fin des années 60 au sujet des Antillais, cette manière de voir et de faire les choses est simplement la reproduction du mode de pensée raciste et nationaliste des années d’après-guerre : "l’Antillais ne devient pas, en étant né en Angleterre, un Anglais. Selon la loi, il devient un citoyen du Royaume-Uni à la naissance ; dans les faits il est toujours un Antillais ou un Asiatique" [14].
De nos jours, même si les termes sont moins violents qu’à la belle époque d’Enoch, le message du gouvernement est donc clairement le même que celui des nationalistes autrefois : "Bien que la Grande-Bretagne soit une société multi-raciale, elle est encore bien loin d’être une nation multi-raciale" [15].


Notes

[1Lire différents compte-rendus ici ou .

[2’Dits terroristes’, simplement pour préciser que le mot est à employer avec précaution tant la notion de terrorisme est instrumentalisée.

[3Ma traduction. Les suivantes, qu’elles concernent les propos des membres du gouvernement ou les écrits d’auteurs anglophones sont également de moi.

[4Voir par exemple cet article du Guardian .

[5Je ne m’étends pas, mais ce terme est également à utiliser avec précaution. L’emploi français du mot, par exemple, est principalement chargé de connotations négatives alors qu’il en va autrement dans les pays anglos-saxons.

[6Ce mot, dont l’utilisation n’est pas encore instrumentalisée peut ici être employé au féminin comme au masculin. Bon, c’est promis j’arrête de commenter l’usage que je fais de certains mots ou expressions douteuses. Et pourtant il y en à d’autres à venir...

[7Un rapport récent, décrivant la société britannique comme une ’société de surveillance’ en fait état, comme décrit dans cet article de la BBC.

[8Voir par exemple cet article d’Arundhati Roy.

[9Women, Culture and Politics. The Women’s Press, 1990. p.121, 122.

[10Voir ce document en PDF pour les références et le reste de la citation.

[11Statistiques livrées par National Statistics, l’équivalent britannique de l’INSEE. Un résumé est disponible ici .

[12There Ain’t No Black in the Union Jack. Routledge Classics, 2002. p.45.

[13in Ibid. p.41.

[14in Ibid. p.47.

[15Citation de Peregrine Worsthorne, relevée par Gilroy dans There Ain’t No Black in the Union Jack. p.46.