Je ne porte pas d’armure (chroniques)

, par LaPeg M. 

Il semblerait que l’heure ne laisse que peu de place à la
sensiblerie. L’homme sur lequel tu marches et qui ronfle dans son
vomi dort quand même dans les escaliers. Vagabonder dans les
classes sociales me laisse un peu perdue comme une scoute lâchée
sans boussole dans la forêt. Elle est si dense qu’il n’y a même pas
de mousse sur la face nord des troncs d’arbre. Se demander à quoi
servent les mouvements de libération (des femmes, des noirs, des
petits lapins ou des keusches) puisque le capitalisme s’en trouve
renforcé. Pourquoi tu dis ça ? Nous sommes des hommes creux. Mets un
disque sur la platine et regarde les dessins comme ils sont jolis.

Entre le cynisme et la reconnaissance que
la défaite est totale, il
reste la consommation culturelle ou le cocktail molotov. Comme je ne
sais pas courir, je me vautre dans les supermarchés ou les échoppes
des passionnés [1], les
bibliothèques ou chez des potes....Je râle contre la société de consommation et je dépense toute ma tune en bandes dessinées. Putain c’est la merde. Pourquoi tu dis ça ?

Retour au projet
initial : un fanzine d’ados. Que j’ai bientôt trente ans et plus
quinze , que je ferais mieux de faire des trucs d’adultes comme de
chercher du travail, partir en vacances, avoir une carte bleue ou dorée, que je regrette le temps des échanges de
paninis en vinyle dans la cour de récréé, ce n’est finalement pas très
grave, elle a dit la madame à la radio. Alors,
reprends du champagne, man.

-  Plus je regarde la version redux d’Apocalypse now [2]
, plus je prend la mesure du génie de Coppola dans sa relecture
cinématographique du roman de Conrad. Ce livre total donne un film
total , peut-être le meilleur film du monde. Ca fait longtemps que je
veux en venir à bout et je n’y arrive pas. La lecture de Sven
Lindqvist [3] me fait dire que je n’en ai pas encore fini. Exterminez
toutes ces brutes
. Un livre sur cette phrase. Mais j’y reviendrais.
J’ai découvert du coup à force de me repasser ce film en tranche le
poète T.S. Eliot. Mieux vaut tard que jamais. Dennis Hopper extasié,
se prend un de ses recueils sur la gueule , ça fait moins
mal que de le lire. Martin Sheen, hagard , écoute Brando : " we are
the hollow men
".

- "Ceci n’est pas un disque [4]" pourtant il tourne en boucle dans le
lecteur laser. Hip hop inventif et textes loufoques inspirés, mais je
m’étalerait pas plus. TTC J’en mets déjà partout en italiques depuis le début. Vive le pyjama mental !

-  Le
label canadien Constellation a sortit une compil "music until now"
qui permet de découvrir pour 5 euros environs (selon la crèmerie)
les différentes productions de ce label indépendant de la musique
rock néo progressive. Leur volonté de travailler à des oeuvres
culturelles qui "critiquent les tendances les pires de l’industrie
culturelle et des commodités artistiques [5]
" resistera t-elle au
succès arty-inrocks-thewire international ? Ce label qui se veut explicitement politique essaye depuis la
fin des années 90 ce qu’un label comme Dischord fait depuis les
années 80. THE MADNESS OF WEALTH BREEDS THE MADNESS OF POVERTY. Publier des artistes locaux et travailler, que ce soit à
Montreal (constellation) ou à Washington D.C.(dischord), à construire un système autonome de
lieux de concerts, d’enregistrement de production et de diffusion,
une esthétique (pochettes très soignées chez les canadiens)visuelle ou sonore etc... "Du rock comme une analogie utopique pour
une organisation sociale
". Que Godspeed you black Emperor soit chiant et
désagréable en concert (je pense à leur prestation soporifique à la Kulturfabrik d’Esch-sur-Alzette) n’enlève,
selon le degré de cynisme du jour , rien à la fraicheur ou la naïveté
du projet. "Evil cowards rules the world and terror
prevails on all side
". Je connaissais A Silver Mount Zion (dont le concert aux Instants Chavirés
était par contre pas mal) et Frankie Sparo (concert étrange et
interessant itou) par contre Hangedup est une découverte. Joli et pas cher, parfait pour découvrir le label. OUR ENDURING FREEDOM IS SOAKED IN THE BLOOD OF INNOCENTS

- Le cabinet de curiosités de Tom Tirabosco, illustrateur italien travaillant en suisse, est un joli petit bouquin aussi (voir ci
dessous). Velma [6] sont aussi helvétiques, ce sont des garçons et ils
font du rock freluquet sur disque mais bien débile et
puissant en concert. Engoncés dans leurs débardeurs à carreaux sur fond de films super 8. Plonk et replonk sont des graphistes petits-yaourts aussi qui font des cartes postales débiles.

Dessins de Tirabosco - Cliquez sur l’image

-  Je vois que je ne
sais pas très bien parler de bd (Ah ouais t’as trop raison) sauf à accumuler les
superlatifs, alors je me contenterais d’énumérer et de surtout
montrer. Après la vague de reconnaissance je découvre Marjane Satrapi [7]
, je comprends mieux l’engouement hors du genre, c’est vraiment très
bien cette façon de raconter la révolution iranienne à travers les
yeux d’une gamine. Le genre autobiographique dessiné me plait
toujours autant car il se renouvelle et prend des formes très
variées. Chez Satrapi on est assez proche du David B de l’ascension
du haut mal
.

- 

Dessin de Fabrice Neaud-
Cliquez sur l’image

Dans le genre je raconte ma vie en dessin avec des
personnages qui sont pas vraiment moi mais pas loin, c’est quand même
une histoire hein ?, outre le journal de Fabrice Neaud [8], je découvre
après la bataille Debbie Dreschler. Dessin brouillon pour
raconter l’inceste paternel, l’enfance explosée et l’adolescence de
l’obèse solitaire [9]. Vraiment très bien , pas franchement drôle (la
mort de l’hiver
raconte un avortement par ex) les dessins sont un peu
inégaux je sais pas à quoi ca me fait penser, à des pochettes de disques
du label Kill rock stars, quelque chose comme ça. Pourtant l’essentiel de son travail ce sont des illustrations en couleurs qui me font penser à SHAG. Dans une interview fleuve pour Indymagazine elle explique comment dessiner l’inceste l’aide ou la bloque dans la gestion de ses conséquences, comment elle oscille entre le déni du souvenir et les évidences, comment le doute social(la vague des "false memory groups) renforce son refus de son passé. Très belle et complète interview. De nombreuses illustrations sont visibles sur son site : http://www.sonic.net/ debdrex/

Dessins deDebbie Dreschler- Cliquez sur l’image de droite pour lire une planche de
Daddy’s girl...

- Je vais passer rapidement sur Karate le groupe de postrock jazzy, mais je reviendrais ultérieurement (en détente rapide probablement sur Mike Ladd, l’afro-punk et David Gould qui fait se rejoindre les traditions musicales religieuses juives et la mystique rastafari dans un reggae dub estampillé new klezmer music ! Je me réjouis pour finir à l’idée d’évoquer un bouquin que je n’avais pas encore eu la possibilité de me procurer (il vaut cher comme beaucoup de bouquins illustrés sur le punk ou le hardcore) c’est le pavé GET IN THE VAN - On the road with Black Flag d’Henri ROLLINS. Je me torture pour en dire cinq lignes...oui, non ? Ben non, le bouquin date de 1994. Cependant je ne résiste pas à glisser une photo encore : Rollins avec des cheveux et des rouflaquettes !


Le temps de saisir tout ça et la mélancolie que traîne la ville s’est un peu estompée, toutes ces chouettes musiques et ces beaux dessins...Je regarde par la fenêtre, une vieille alcoolo se prend une tarte par celui que j’imagines être son gars. Les rougeauds ont un chien squelettique qui se prend un coup de tatane au passage. Ca va, j’ai eu peur que pendant que je feuilletais mes livres d’images, que Paris ce soit adoucie. Le téléphone sonne. Non, je ne veux pas aller voir Irreversible.

Notes

[1Super Héros(le site.

Si il vous arrive de traîner à Paris le soir vers le Batofar, il y’a un
jeune homme très sympa et fou de petits mickeys qui tient un stand bd bien
achalandé en bizarreries et trucs fendards - demandez lui la bd Filipo
rencontre Aphex Twin, ca claque - Il est à fond de calle ou dans le bus.

[2en dvd - dans tous les supermarchés et vidéo clubs

[3Exterminez toutes ces brutes - L’odyssée d’un homme au coeur de la nuit et des origines du génocide européen-Le serpent à plumes - 1998

[4TTC-Ceci n’est pas un disque -Big dada - 2002 :http://www.ninjatune.net/bigdada/release.php?id=582

[5C’est marqué dans le livret

[6Velma : Cyclique : Noise product- 2000 Le groupe publie aussi sous le nom Velma B.Landovitch une musique plus "expérimentale" et electro pour expo d’art contemporain

[7Persepolis - édition l’association

[8Précieuse interview à lire dans l’oeil electrique : http://www.oeil-electrique.org/

On trouve "Journal" aux éditions Ego comme X.

[9Publié par l’association - Collection Ciboulette